nous sommes partout

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Faire face à la répression (Genève/Vaud)

…nous sommes partout, même dans le vide
…patience, patience… ça charge

Introduction

La répression constitue un outil du pouvoir afin de garantir la pérennité de l’ordre établi. Elle est omniprésente et peut prendre de multiples formes, parmi lesquelles l’emploi de la police et de l’appareil judiciaire.

Ce texte a été conçu dans l’idée d’éclairer certains pans du système judiciaire et de donner quelques outils de défense juridique. En effet, face à la répression, il est utile de connaître les procédures, la pratique des autorités ainsi que des outils que la loi et l’expérience nous offrent pour nous défendre. Cela permet de rendre les militanxtes plus fortexs et d’augmenter les chances que la procédure se termine — autant que possible — par une victoire judiciaire.

Du fait de leur caractère politique, ces procédures appellent aussi une réponse politique. Une telle réponse implique souvent l’adoption d’une stratégie de défense qui déborde les murs du Ministère Public (MP) et des tribunaux, en accompagnant les arguments juridiques de mobilisations et de la mise en accusation du pouvoir. Cela permet de sortir d’une dynamique purement défensive, en transformant le procès d’unex ou de plusieurs militanxtes en occasion de lutte et, si possible, de victoires politiques.

Dans ce texte, nous mettons l’accent sur une stratégie de défense collective, basée sur des réseaux de soutien, afin de ne laisser personne seulex face à la répression. Il ne s’agit pas pour autant de considérer que nous sommes touxtes égalexs face au système judiciaire ni d’ignorer que certaines personnes, en raison de leur situation personnelle, puissent ne pas souhaiter se joindre à la défense collective.

Tel est l’esprit qui a guidé la rédaction de ce texte. Ce n’est donc pas une défense exclusivement technique qui est envisagée, mais bien une défense politique et collective. Cela explique les quelques divergences avec des conseils pouvant venir de juristes non militanxtes.

Ce texte a été élaboré par des juristes et militanxtes de Genève et de Vaud. Il s’adresse principalement aux personnes engagées politiquement et susceptibles d’être visées par la justice pénale de ces cantons. Pour la grande majorité des arguments développés, il peut servir comme base pour faire face à des procédures dans l’ensemble de la Suisse.

Ce texte s’inspire largement du travail publié — il y a plusieurs années — par l’Observatoire des pratiques policières (OPP), sous le titre « Vos droits face à la police », ainsi qu’aux publications qui l’ont précédé. Il n’aurait pas vu le jour, sans ce travail ainsi que sans l’engagement constant de celleux qui, chaque fois que cela a été nécessaire, ont œuvré sans relâche — souvent dans la discrétion — pour soutenir les militanxtes cibléexs par la répression.

1. Appréhension, arrestation et convocation par l’autorité pénale

1.1 Appréhension et contrôle d’identité (art. 215 du Code de procédure pénale, CPP)

La police est autorisée à procéder à un contrôle (« appréhender ») de toute personne lorsqu’elle considère que cela est utile pour « élucider une infraction ». Dans ce contexte, elle peut te demander de communiquer oralement ton identité et de montrer un document d’identité.

À la demande de la police, les informations à communiquer sont : le prénom et le nom1. Si tu es de nationalité suisse, tu n’es pas obligéex d’avoir sur toi un document d’identité ou de le montrer. Toutefois, l’absence de document confirmant ton identité peut justifier ton appréhension et ta conduite au poste de police afin de vérifier ton identité. Si tu es de nationalité étrangère, l’absence de document d’identité peut valoir comme prétexte pour ouvrir une poursuite pénale pour infraction à la loi sur les personnes étrangères et l’intégration.

La police peut également te conduire au poste si elle considère que des recherches doivent être entreprises à ton sujet ou au sujet d’objets se trouvant en ta possession.

La loi ne fixe pas la durée maximum d’une appréhension, mais sauf circonstances exceptionnelles (appréhension de plusieurs dizaines de personnes), il est admis qu’après trois heures tu devrais être formellement arrêtéex ou remisex en liberté.

Lors d’appréhensions et contrôles d’identité de plusieurs dizaines de personnes, le refus collectif de s’identifier (ou de montrer ses papiers) complique le travail de police et rend moins vulnérables les personnes n’ayant pas d’autorisation de séjour. Une telle pratique est rendue possible par un rapport de force collectif. Pour une personne isolée, elle est plus risquée et probablement moins utile.

1.2 Arrestation (art. 217, 219 CPP)

1.2.1 Motifs

La police peut t’arrêter si :

  • elle te surprend en train de commettre un crime ou un délit (« flagrant délit ») ou t’intercepte « immédiatement » après un tel acte ;
  • elle te soupçonne d’avoir commis un crime ou un délit ;
  • tu fais l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par une autorité pénale ;
  • tu es signaléex dans un fichier de police, par exemple si tu es de nationalité étrangère et que tu fais l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse.

Pour les contraventions, soit les infractions uniquement sanctionnables d’une amende, tu peux être arrêtéex seulement :

  • si tu refuses de t’identifier ;
  • s’il y a un risque que tu commettes d’autres contraventions ;
  • ou, si tu n’habites pas en Suisse, si tu ne fournis pas immédiatement des sûretés (financières) pour l’amende encourue.

1.2.2 Durée

La durée maximale de détention par la police est de 48 h.

La police a l’obligation de t’auditionner dans les 24 premières heures. Elle peut t’auditionner plusieurs fois, mais dans la plupart des cas ce ne sera qu’une fois.

Si, après l’audition, la police décide de te maintenir en état d’arrestation, elle pourra te garder 24 heures supplémentaires pour que tu sois auditionnéex par le Ministère public (procureurex). Cette audition a souvent lieu dans les locaux de la police.

Ensuite, le Ministère public pourra prolonger l’arrestation pour une durée de 48 heures supplémentaires et demander une décision du Tribunal des mesures de contrainte quant à une éventuelle mise en détention de plus longue durée.

1.3 Convocation

Si la police veut t’auditionner, prendre tes empreintes digitales ou ton ADN, elle va te convoquer au poste. Il arrive que la police convoque les personnes de manière informelle (téléphone ou email). Tu n’es pas obligéex de donner suite à une telle convocation ni de répondre à d’éventuelles questions adressées par email ou téléphone. Si la police insiste, nous te conseillons de demander une convocation formelle par écrit.

Si le Ministère public te convoque, cela sera fait par l’envoi par courrier d’un mandat de comparution.

Qu’elle émane de la police ou du Ministère public, une convocation formelle (par exemple par courrier — simple ou recommandé) précisera normalement que, si tu ne te présentes pas, un mandat d’amener peut être délivré à ton encontre, soit un ordre donné à la police de t’arrêter à la première occasion afin que tu puisses être entenduex. Si une telle menace est formulée, tu as le choix entre donner suite au mandat ou assumer le risque de te faire amener au poste par la force.

Si tu n’es pas disponible à la date d’audition — par exemple parce que tu te trouves à l’étranger, tu as un engagement professionnel ou médical, ou encore, que tu souhaites t’entretenir au préalable avec unex avocaxte — nous te conseillons de téléphoner ou d’écrire à la police au Ministère public pour demander de déplacer ou d’annuler l’audition.

La convocation formelle indique à quel titre tu es convoquéex, soit à titre de personne prévenue (accuséex), de témoin ou de « personne appelée à donner des renseignements » (statut hybride entre prévenuex et témoin). Cette information est importante, car si tu es convoquéex en qualité de témoin (et uniquement si tu es convoquéex en qualité de témoin), sauf situations particulières, tu as une obligation de répondre et l’interdiction de mentir.

Le document devrait également indiquer très sommairement les motifs pour lesquels tu seras entenduex (ce qui permettra de te préparer), ainsi que le nom de l’agent ou magistraxte responsable de l’audition. Si la convocation ne donne pas de précision sur les motifs de ton audition, tu peux contacter l’autorité par téléphone au préalable pour tenter d’avoir quelques informations complémentaires, soit en particulier les faits et les infractions reprochées.

Avant de te rendre à l’audition, prends avec toi ta carte d’identité et, si possible, la carte de visite ou le nom d’unex avocaxte. Si possible, avise au préalable l’avocaxte, pour qu’iel reste joignable en cas de problème, ainsi qu’unex proche, pour qu’iel puisse alerter l’antirep si tu ne devais pas sortir rapidement.

Ne prends pas avec toi ton téléphone portable et ton ordinateur, qui pourraient être facilement saisis et que tu risques de ne plus revoir pendant longtemps. Ne prends pas non plus tes cartes bancaires, car les lieux et heures de retraits pourraient donner des informations que tu ne souhaites pas partager avec la police. Prends note que ton logement pourrait être perquisitionné dans la foulée de ton audition et les objets s’y trouvant au moment de ton départ pourraient donc être saisis (cf. chapitre 2.2).

2. Fouilles corporelles, perquisition et ADN

2.1 Fouille corporelle ou d’un véhicule (art. 241-242, 246-248, 249-252 CPP)

Si la police considère que tu caches des objets dangereux, des preuves ou des stupéfiants sur toi ou dans ton véhicule, elle peut procéder à une fouille de ta personne, de tes vêtements, de tes bagages et de ta voiture (si elle la trouve…). Pour une fouille de ton domicile ou d’autres locaux, la police a besoin d’un mandat du Ministère public (cf. chapitre 2.2).

Lorsque la police veut te faire enlever tes vêtements ou examiner tes parties intimes, la fouille doit se dérouler dans un lieu fermé. Elle doit se dérouler en deux temps : tu enlèves le haut, puis tu le remets avant d’enlever le bas. À aucun moment tu ne dois te retrouver complètement nuex.

La loi exige que la fouille des parties intimes soit effectuée par une personne « du même sexe » ou par unex médecin. Il n’existe pas de règles spécifiques pour les personnes non binaires/trans. Tu as le droit de demander que la fouille soit effectuée par une personne d’un autre genre, mais la Police n’a pas obligation d’y donner suite.

Si dans le cadre de la fouille la police trouve des objets qui sont susceptibles d’être utilisés comme moyens de preuve (téléphones, ordinateurs, vêtements, stickers, documents, etc.) ou qui pourraient être confisqués (armes, stupéfiants, etc.), elle peut les placer sous séquestre. Le séquestre peut être ordonné oralement, mais doit être confirmé par la suite par une décision écrite, susceptible de recours (art. 263-267 CPP).

S’agissant des téléphones, si tu peux éviter de prendre avec toi ton portable lors de tes activités militantes, c’est mieux. Si la police saisit ton téléphone, elle n’a pas le droit d’examiner son contenu sans un mandat du Ministère public. Pour ta part, tu n’as jamais l’obligation (ni d’intérêt) de leur donner ton code, même en cas de mandat du Ministère public.

Si, lors de la fouille, la police saisit des ordinateurs, téléphones ou de la correspondance et si ces documents contiennent des informations confidentielles (correspondance avec ton avocaxte, documentation médicale, échanges personnels, etc.), tu dois demander que ces objets et documents soient « placés sous scellés », soit lors de la première audition, soit par courrier envoyé dans les heures qui suivent la fin de la fouille. Une telle demande aura pour conséquence de faire interdiction aux autorités d’examiner ces objets et les obligera à entreprendre une procédure particulière pour demander « la levée des scellés », ce qui prendra plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Cela retardera, parfois même évitera, l’examen de ces pièces.

2.2 Perquisition (art. 244 CPP)

Les maisons, appartements et autres espaces non librement accessibles au public ne peuvent en principe être perquisitionnés par la police qu’avec le consentement de l’ayanxte droit ou sur ordre du Ministère public.

La police peut exceptionnellement procéder à une perquisition sans autorisation d’unex procureurex si elle pense qu’une personne recherchée se cache dans les locaux ou que des infractions seraient commises à l’intérieur.

Régulièrement, la police tente de faire signer des autorisations de perquisition aux habitanxtes d’un logement, pour ne pas devoir faire la demande au Ministère public. Tu devrais toujours refuser de signer ce genre de document.

Si la police dispose d’un mandat de perquisition, il est déconseillé de s’y opposer.

Si tu es présenxte, tu as le droit d’assister à la perquisition et de demander que ton avocaxte soit présenxte. Si tu es absenxte, la police demandera à une personne présente, par exemple unex colocataire ou unex membre de la famille d’y assister.

Si tu vis en colocation, une perquisition d’un domicile implique la perquisition de ta chambre, des espaces communs et des dépôts (cave, garage, etc.). Les chambres des autres personnes habitant la maison ne sont généralement pas perquisitionnées.

Lors d’une perquisition, la police est censée séquestrer les objets en lien avec l’enquête, mais elle en profitera souvent pour faire des « découvertes fortuites » qui permettront de t’accuser de nouvelles choses (par exemple infractions à la Loi sur les armes ou à la Loi sur les explosifs).

Les objets le plus souvent séquestrés sont :

  • ordinateurs ;
  • téléphones (actuels et anciens) ;
  • couteaux, lance-pierres, pistolets à billes ;
  • masques à gaz, lunettes de protection, etc. ;
  • matériel pyrotechnique (pétards, fumigènes, etc.) ;
  • chaussures, habits avec des taches de peinture, cagoules, etc. ;
  • sprays, autocollants, matériel militant (flyers, cahiers, notes, etc.).

On te suggère donc de ne pas conserver du matériel non indispensable, d’effacer tes données (un guide d’autodéfense informatique est disponible en ligne sur le site infokiosques.net ainsi qu’une version résumée dans ce livre2), et de garder le reste ailleurs.

À la fin de la perquisition, la police établit un inventaire indiquant tous les objets saisis, les lieux où ils ont été trouvés (par exemple : chambre, armoire, salon, etc.) et précisant si ces objets t’appartiennent ou pas. Ne signe pas l’inventaire. Si tu signes l’inventaire, tu confirmes les informations y figurant et tu reconnais notamment que les objets se trouvaient bien chez toi et/ou t’appartiennent. Une simple signature peut être déterminante pour condamner des militanxtes.

Si ces documents contiennent des informations confidentielles (correspondance avec ton avocaxte, documentation médicale, échanges personnels, etc.), tu dois demander, lors de la perquisition, de la saisie d’ordinateurs, de téléphones ou de la correspondance, que ces objets et documents soient « placés sous scellés » (pour savoir comment procéder cf. chapitre 2.1).

2.3 Prise d’ADN et données signalétiques (art. 255, 258, 259 CPP3)

2.3.1 Prélèvement

En fonction des faits qui te sont reprochés, la police pourrait tenter de te faire une prise d’ADN, de te prendre en photo et de prélever tes empreintes digitales.

La police te soumettra un formulaire d’« autorisation » de prise d’ADN et de données signalétiques en disant que tu dois le signer. C’est faux, ne le signe pas. Si tu refuses de signer, la police pourra demander au Ministère public d’ordonner le prélèvement. Parfois, elle y renonce, mais le plus souvent une demande sera formulée et la mesure sera ordonnée par le Ministère public.

Si la police obtient une ordonnance d’établissement du profil ADN et/ou de saisie des données signalétiques du Ministère public, elle pourra utiliser la force. Si la police dispose d’une ordonnance du Ministère public, nous te déconseillons donc de t’opposer physiquement.

La police te prendra donc en photo, prendra (parfois) tes empreintes digitales, ainsi que ton ADN par un frottis de muqueuse jugale (prélèvement de salive sur la paroi de la joue au moyen d’un petit tampon).

Exige des agenxtes et/ou du Ministère public qu’iels te remettent une copie de la décision ordonnant la prise de ton ADN. Il est possible de faire recours dans un délai de 10 jours et d’obtenir parfois l’effacement de tes données. Contacte rapidement l’antirep ou ton avocaxte pour plus d’informations à ce sujet.

2.3.2 Exploitation

Une fois le prélèvement exploité, la police établira un profil avec ton nom, ta photo et ton ADN dans son logiciel. Ce profil sera comparé avec toutes les traces génétiques relatives à des infractions non résolues, soit l’ADN trouvé sur des gants, des masques, des sprays, des cigarettes abandonnées, des cheveux, des stickers, etc.

La saisie de ton ADN implique donc le risque d’ouvrir de nouvelles procédures même pour des faits très anciens, ou permettra de faire le lien avec des traces trouvées lors d’infractions futures. Il est donc important de tenter, autant que possible, de s’y opposer ou de faire effacer rapidement ces données.

2.3.3 Effacement

Un prélèvement d’ADN doit être détruit aux conditions suivantes :

  • si le Ministère public n’ordonne pas d’analyse dans les trois mois qui suivent le prélèvement ;
  • s’il est avéré que la personne en cause ne peut être l’auteurixe du crime ou du délit ;
  • en cas d’acquittement ;
  • un an après le prononcé d’un classement ;
  • cinq ans après l’expiration du délai d’épreuve d’un sursis ;
  • cinq ans après le paiement d’une peine pécuniaire ;
  • vingt ans après l’exécution d’une peine privative de liberté.

La destruction doit en principe être ordonnée d’office. En cas de doute, nous suggérons d’écrire au Ministère public pour demander la confirmation de l’effacement.

3. L’audition (en qualité de prévenuex)

3.1 Qu’est-ce qu’unex prévenuex (art. 111, 113 CPP)

On entend par prévenuex toute personne qui, à la suite d’une dénonciation, d’une plainte ou d’un acte de procédure accompli par une autorité pénale, est soupçonnée, prévenue ou accusée d’une infraction.

Le présent texte étant principalement destinée aux personnes poursuivies, soit celles entendues en qualité de prévenuexs, les droits des autres parties (témoin/partie appelée à donner des renseignements [PADR]) ne seront pas examinés dans les détails. Si tu devais être convoquéex en qualité de témoin ou de PADR dans le cadre d’une affaire politique, contacte l’antirep ou ton avocaxte.

3.2 Quels sont tes droits (art. 158-161 CPP)

3.2.1 Information sur les charges

Au début de la première audition, la police ou le Ministère public ont l’obligation de te communiquer les faits qui te sont reprochés.

La loi exige la communication d’informations suffisamment précises avant le début de l’audition. La pratique de la police est toutefois de donner un renseignement général, puis de donner plus de détails durant l’audition. N’hésite donc pas à demander plus de précisions sur les faits reprochés au début de l’audience (date, où, quoi, comment, avec qui, contre qui) et demande d’inscrire ces détails complémentaires au début du procès-verbal.

3.2.2 Silence

Si tu es entenduex comme prévenuex, tu disposes d’un droit de ne pas collaborer avec l’autorité et de ne pas participer à ton incrimination. Concrètement, cela signifie que tu as le droit de garder le silence et de mentir.

Dans les procédures peu complexes, en particulier dans les infractions de faible gravité en lien avec des actions politiques, la plupart des preuves à charge sont issues des auditions, en particulier de la première audition de police. La meilleure manière de te protéger et de protéger les autres est de ne pas répondre aux questions posées, même celles qui te semblent inoffensives4. Nous te déconseillons en revanche de mentir, car une fois qu’un mensonge est identifié, tu perdras toute crédibilité pour l’ensemble de tes déclarations. Mieux vaut rester silencieux que de mentir.

Confirme uniquement ton nom, prénom et adresse de domicile légal. Il est important de bien communiquer une adresse pour pouvoir recevoir d’éventuelles communications ou décisions dans la suite de la procédure. Ensuite, ta seule réponse devrait être « je n’ai rien à déclarer » ou « je fais usage de mon droit de me taire ».

Une telle stratégie devrait être systématiquement adoptée devant la police et — aussi souvent que possible — devant le Ministère public. Le silence augmente le risque que la privation de liberté soit prolongée, mais réduit considérablement le risque d’une condamnation (moins tu dis, moins tu risques de te contredire par la suite). Surtout, ton silence protège toute personne éventuellement impliquée dans les faits reprochés.

L’opportunité de s’exprimer lors d’un éventuel procès dépend de la stratégie de défense que tu choisiras d’adopter, si possible suite à une discussion avec l’antirep et/ou ton avocaxte.

Voici un exemple d’audition devant la police ou le Ministère public :

Q. Acceptez-vous de répondre à nos questions ?

R. Non.

Q. Pourquoi pas ?

R. Je ne souhaite pas répondre à cette question.

Q. Quelle est votre adresse réelle ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Quel est votre numéro de portable ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Quels sont les codes d’accès de votre portable et de votre ordinateur ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Étiez-vous à la manifestation du 13 décembre ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Avec qui ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Vos amis « Rocco » et « Louis » étaient avec vous ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Nous vous montrons une vidéo, où l’on vous voit sprayer sur le mur de l’Hôtel de Ville la phrase : « Maudet personne ne t’aime ». Qu’avez-vous à déclarer ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Avez-vous déjà eu affaire aux services de police en Suisse ou à l’étranger ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

Q. Avez-vous quelque chose à ajouter ?

R. Je n’ai rien à déclarer.

3.2.3 Ne pas signer

Tu as le droit de ne pas signer les documents qui te sont soumis par la police ou le Ministère public.

Nous te conseillons de refuser de signer non seulement les procès-verbaux d’audition, mais aussi et surtout les autorisations de prise d’ADN ou de perquisition ainsi que les inventaires de perquisition, etc. En d’autres termes, face au risque de signer un document qui pourrait t’être préjudiciable, on te suggère de ne rien signer.

3.2.4 Avocaxte

Au début de l’audition, la police ou le Ministère public te demanderont si tu es d’accord d’être entenduex en l’absence d’unex avocaxte. Si tu ne comptes pas répondre aux questions, sa présence n’est pas indispensable, mais demeure utile pour te protéger des pressions de la police.

Si tu sens toutefois le besoin d’être accompagnéex, demande à avoir unex avocaxte. Tu peux donner le nom d’unex avocaxte de confiance, qui sera alors appeléex par elleux.

Si la police essaie de te convaincre de renoncer à y faire appel, demande que ces pressions soient inscrites au procès-verbal, ce qui devrait les faire cesser.

Pour certaines infractions graves, la présence d’unex avocaxte est obligatoire, et alors la police appellera unex avocaxte de permanence, qui est couverte par l’assistance juridique. Même dans ce cas, tu as la possibilité de demander à la police de faire appel à unex avocaxte de ton choix, ce qui pourrait toutefois engendrer des frais.

Lorsque la police appelle l’avocaxte, l’audience sera suspendue le temps qu’iel arrive, normalement une heure. Tu auras ensuite 15 minutes pour discuter en privé avec iel, avant l’audition. À cette occasion, nous te suggérons de demander à ton avocaxte de rentrer en contact avec l’antirep.

Attention, tu es seulex maîtressex de ta stratégie de défense. Il peut arriver que certainexs avocaxtes non politiséexs te conseillent de répondre aux questions de la police et du Ministère public, car iels voudront défendre ton intérêt individuel plus que l’intérêt collectif. Si une telle stratégie peut être compréhensible en fonction de ta situation personnelle, veille à ne pas divulguer des éléments qui pourraient être utilisés contre d’autres personnes. Nous te conseillons également de te coordonner avec les autres personnes de ton groupe/mouvement afin de définir ensemble les mécanismes de défense collective et de solidarité en cas de condamnation (notamment à des amendes).

3.2.5 Interprète

Si tu ne parles pas la langue de la procédure — dans les cantons de Genève et Vaud c’est le français —, tu peux demander de faire gratuitement appel à unex interprète.

Lorsque les audiences sont en anglais ou en espagnol, la police va essayer de traduire elle-même tes déclarations. Oppose-toi à cela et demande qu’unex interprète professionnellex soit appeléex. Si la police refuse, demande que ta demande et leur refus soient inscrits au procès-verbal.

3.2.6 Médecin

Si tu ne te sens pas bien, tu as le droit de demander qu’il soit fait appel à unex médecin. Au même titre que pour l’avocaxte, si tu as unex médecin de confiance, tu peux essayer de donner son nom et demander de l’appeler, même s’il est très probable que la police appelle plutôt une personne de permanence.

Si tu as subi de mauvais traitements lors de ton arrestation ou de ta détention, il faut demander la visite d’unex médecin. Ensuite, il faut demander au médecin d’établir une attestation dans laquelle iel indique les explications que tu lui donnes, et, en cas de traces apparentes, constate chaque lésion individuellement et de manière précise (cf. chapitre 10).

3.3 Comment se déroule une audition

Que tu sois convoquéex ou arrêtéex, il est probable qu’une fois au poste tu sois auditionnéex par la police ou par le Ministère public. Si tu es convoquéex, le mandat indique l’heure de l’audition. Si tu as été arrêtéex, la police ou le Ministère public doivent t’entendre dans les 24 heures.

L’audition de police se déroule dans une (petite) salle, en présence d’un ou deux agents de police et, si tu en as fait la demande ou si l’infraction est grave, d’unex avocaxte.

Au Ministère public, tu te trouveras en face d’unex procureurex, qui dirige l’audition, ainsi que d’unex greffierèrex, qui rédige le procès-verbal. Il est possible que d’autres personnes, accusées ou témoins, soient également présentes.

Que ce soit à la police ou au Ministère public, lors de la première audition tu devras être informéex de tes droits (cf. chapitre 3.2) et des faits qui te sont reprochés. L’audition se déroule généralement selon « la technique de l’entonnoir ». Il te sera demandé de te déterminer librement sur les faits objets de la procédure. Puis, on te posera des questions toujours plus précises, afin de vérifier la crédibilité de tes déclarations ou pour te pousser à te contredire sur la base des informations connues par la police ou le Ministère public. Une fois encore, la meilleure stratégie de défense reste ne pas répondre.

En fonction des faits qui te sont reprochés, l’audition de police pourrait être suspendue pour se rendre à ton domicile (ou dans un autre lieu) afin de procéder à une perquisition (cf. chapitre 2.2).

Une fois l’audition terminée, on te demandera de relire (relis-le bien) et de signer le procès-verbal. Tu as le droit de refuser de signer ou de demander qu’il soit modifié, si certains propos (les tiens ou celui des agents) n’y figurent pas.

Pour les auditions de police, l’agent en charge de l’audition fera relire le document au commissaire, qui décidera de te libérer ou de te garder au poste pour être entenduex une deuxième fois par lae procureurex (Ministère public) de permanence.

Pour les auditions au Ministère public, la décision est prise directement en fin d’audition. Lae procureurex décidera donc de te libérer ou de demander ta mise en détention, en saisissant le Tribunal des mesures de contrainte (cf. chapitre 4).

À la fin de l’audience, on te communiquera un formulaire en demandant des documents sur ta situation financière, à communiquer dans les dix jours. Tu n’as aucune obligation de communiquer ces documents à ce stade de la procédure, et en tout cas pas dans ce délai. La communication de ces documents sert à fixer le montant d’une éventuelle amende ou de jours-amendes. Si tu as des petits revenus ou de grandes charges, il sera utile d’en informer le Ministère public, mais pas la police.

4. Détention provisoire

4.1 Demande de mise en détention (art. 220-221 CPP)

Au terme de chaque audition par le Ministère public, lae procureurex peut demander à te placer en détention provisoire, normalement à la prison de Champ-Dollon (GE) ou de la Tuilière (VD), pour une durée de 1 à 3 mois renouvelable.

La demande est envoyée au Tribunal des mesures de contrainte (TMC)5, qui statuera dans les 48 heures.

Une demande de mise en détention intervient lorsque les actes sont « suffisamment graves » (violence contre des personnes, incendie, etc.) et doit être justifiée par un risque de fuite, ou un risque de collusion, ou un risque de réitération.

  • Un risque de fuite peut être retenu notamment si tu es étrangerèrex et tu n’as pas de domicile en Suisse ou si tu es suisse et que tu as commis des actes considérés comme tellement graves qu’ils te pousseraient à abandonner « ta » ville, « ton » pays.
  • Un risque de collusion peut être retenu si l’autorité considère que tu peux faire disparaître des preuves ou parler avec d’autres accuséexs ou témoins non encore entenduexs (dans les procédures complexes) pour vous mettre d’accord.
  • Un risque de réitération peut être retenu si l’autorité considère qu’une fois libéréex tu pourrais à nouveau commettre des actes semblables à ceux qui te sont reprochés (dans le cas où de nombreux actes te sont reprochés).

4.2 S’opposer à la mise en détention (art. 222 CPP)

Tu peux t’opposer à ta mise en détention et demander à être entenduex lors d’une audience devant le Tribunal des mesures de contrainte. C’est ce que nous te conseillons de faire, en répondant, selon le modèle suivant :

Q. Le Ministère public vous informe qu’il souhaite requérir du Tribunal de mesures de contrainte votre mise en détention pour une durée de trois mois en raison du risque de fuite/collusion/réitération. Est-ce que vous vous opposez ?

R. Je m’oppose à ma mise en détention.

Q. Est-ce que vous renoncez à une audience devant le Tribunal des mesures de contrainte ?

R. Non, je veux être entenduex par le Tribunal.

Q. Est-ce que vous acceptez une procédure écrite ?

R. Non, je veux être entenduex par le Tribunal.

Si ta mise en détention est demandée, le moment est venu de faire appel à unex avocaxte, qui pourra t’accompagner devant le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) et te rendre une brève visite au parloir juste avant l’audience (habituellement, une quinzaine de minutes seulement).

Lae procureurex et certainexs avocaxtes pourraient te déconseiller de demander une audience devant le TMC (notamment pour ne pas faire traîner la procédure). Or, cette audience est souvent importante, car elle te donne l’occasion de consulter le dossier et de connaître les éléments en main de la police et du Ministère public. Insiste donc pour que cette audience ait lieu et insiste pour que ton avocaxte consulte le dossier et te fasse un retour.

Indique à ton avocaxte que tu le délies de son secret professionnel envers certaines personnes (amiexs, famille et/ou des personnes en contact avec le groupe antirep) dont tu lui donnes les coordonnées précises, afin d’activer tes soutiens à l’extérieur et pour qu’iels puissent aussi avoir accès à ton dossier en cas de besoin.

4.3 Audience au Tribunal des mesures de contrainte (art. 224-228 CPP)

L’audience se déroule avec unex juge unique. Le Ministère public n’est généralement pas présent.

Lae juge te demandera de te déterminer sommairement sur les faits reprochés et sur les risques invoqués par le Ministère public, puis statuera sur la demande du Ministère public. À nouveau, nous te suggérons de refuser de répondre aux questions sur les faits reprochés. À la suite de la discussion avec ton avocat·e·x, tu pourras donner des renseignements sur ta situation personnelle et prendre d’éventuels engagements de ne pas quitter le pays, déposer ton passeport et participer à toutes les audiences.

Si le TMC décide de confirmer ta détention, tu seras envoyéex en prison, normalement jusqu’à la tenue de l’« audience de confrontation des parties », soit l’audition de toutes les personnes accusées et de toutes les victimes prétendues.

5. Surveillance téléphonique et autres mesures de surveillance

5.1 Surveillance téléphonique (art. 269-279 CPP6)

Le Ministère public peut ordonner une mesure de surveillance d’un téléphone. Une telle mesure n’est autorisée qu’en présence de « graves soupçons » de la commission de certains crimes ou délits7.

Elle doit faire l’objet d’une autorisation du TMC, qui doit être demandée dans les 24 heures et dont le renouvellement doit être demandé tous les trois mois.

Si l’autorisation est obtenue, le Ministère public pourra écouter les conversations téléphoniques passées par ce numéro dès la date de l’autorisation.

Il pourra également obtenir des données relatives aux six mois précédents, soit :

  • le type, la durée et les numéros des contacts intervenus dans les six mois précédents, sans accès au contenu des conversations ;
  • les bornes activées par le téléphone dans les six mois précédents, ce qui permet une localisation approximative du téléphone à chaque appel et réception/envoi d’un SMS.

Une fois que la surveillance a pris fin, mais au plus tard au terme de la procédure préliminaire, le Ministère public informe la/les personne/s ayant fait objet de la surveillance et communique les motifs, le mode et la durée de la surveillance. Un recours est alors possible de manière rétroactive, dans les 10 jours suivant la réception de la communication (art. 393-397 CPP).

5.2 Autres mesures techniques de surveillance (art. 280-298d CPP)

Aux mêmes conditions, soit moyennant l’obtention d’une autorisation du TMC, le Ministère public peut faire l’usage d’autres mesures techniques de surveillance, soit :

  • l’écoute et l’enregistrement de conversations non publiques, par l’utilisation de micros à longue portée ou des « mouchards » ;
  • l’observation et enregistrement de faits qui se déroulent dans des lieux non publics, par l’utilisation de drones, de caméras dissimulées, d’appareils de prise de vue à longue portée ;
  • la localisation d’une personne ou d’une chose par l’utilisation de mouchards GPS ou un IMSI-catcher.

Depuis 2017, il est possible également d’utiliser des programmes du type « cheval de Troie » (GovWare) permettant l’interception des communications et des données informatiques échangées par ordinateur ou par un téléphone portable. L’utilisation de ces programmes est limitée à une liste réduite d’infractions8.

Comme ce qui est prévu pour la surveillance, la communication doit être notifiée à/aux personne/s en ayant fait l’objet. Un recours peut être formé dans les 10 jours suivant la réception de la communication.

6. Ordonnance pénale et comment s’y opposer

6.1 Ordonnance pénale (art 352-353 CPP)

L’ordonnance pénale est une « condamnation » prononcée par l’autorité chargée de l’instruction, soit le Ministère public ou le Service des contraventions.

Une telle décision ne peut être prise que si les faits sont admis — ou suffisamment établis — et que la peine prononcée est une amende ou une peine maximale de 180 jours-amendes ou six mois de privation de liberté. Dans la pratique toutefois, la majorité des procédures pénales se terminent par une ordonnance pénale.

À Genève, le Ministère public imprime les ordonnances pénales sur du papier bleu, dans le Canton de Vaud sur du papier blanc.

En cas d’arrestation, dans le cadre de faits simples, il est probable qu’une ordonnance pénale te soit remise lors de ta libération.

Alternativement, l’ordonnance pénale sera notifiée par courrier recommandé à ton domicile officiel ou à l’adresse de notification que tu auras communiquée à la police ou au Ministère public.

6.2 S’y opposer (art. 354-356 CPP)

Lorsque tu reçois une ordonnance pénale, tu as 10 jours pour y faire opposition.

Attention, il arrive très souvent que des personnes soient en vacances et n’aillent pas chercher l’ordonnance pénale qui arrive souvent en courrier recommandé. La poste conserve 7 jours le courrier recommandé, et le renvoie à l’expéditeur passé ce délai. Donc, si tu sais qu’une procédure pénale est ouverte contre toi, et que tu pars plus de 7 jours en vacances, tu dois impérativement laisser à unex proche le soin de surveiller ton courrier et d’aller chercher les recommandés. Il faut lui laisser une procuration avec une copie de ta carte d’identité.

Si tu vas chercher l’ordonnance pénale à la poste, le délai de 10 jours commence à courir le jour où tu vas la chercher. Si tu ne vas pas la chercher, le délai de 10 jours commence à courir le 7ème jour de garde. Il arrive donc souvent qu’une ordonnance pénale entre en force sans que la personne visée en ait effectivement pris connaissance.

Si l’envoi en recommandé est retourné à l’autorité, on t’envoie ensuite une nouvelle fois l’ordonnance pénale par courrier simple. Tu n’as pas pour autant un nouveau délai pour t’y opposer. Parfois tu apprends pour d’autres raisons, après le délai pour t’opposer, qu’il existe une ordonnance pénale à ton encontre (par exemple, quand tu reçois une facture pour les frais judiciaires). Dans ces cas, cela vaut cependant tout de même la peine de directement écrire au Ministère public pour t’opposer (en expliquant brièvement pourquoi le délai d’opposition a été dépassé), car parfois l’autorité entre tout de même en matière.

Si tu ne fais pas opposition (ou si tu interviens après le délai sans excuse valable), la décision entrera en force et il n’y aura plus de recours possible.

L’expérience montre que former opposition à une ordonnance pénale mène presque toujours à obtenir une décision plus favorable, soit un classement ou une réduction de peine. Nous te recommandons donc fortement de faire opposition, même si tu penses que la décision est bien fondée. De plus, il est toujours possible de retirer une opposition, jusqu’au début de l’audience du Tribunal.

Pour former opposition, tu dois envoyer un courrier au Ministère public ou au Service des contraventions, dans les 10 jours par courrier recommandé (afin d’avoir la preuve du respect du délai). Nous te conseillons de garder une copie de l’opposition signée. Tu n’as pas besoin de motiver ton opposition et nous te déconseillons de le faire. Ton courrier pourra avoir la forme suivante :

Ton adresse légale
ou adresse de notification

 

Recommandé
Adresse MP ou Service des Contraventions

 

Concerne : Procédure 123456/2020.

 

Madame, Monsieur,

 

Je vous informe faire opposition à l’ordonnance pénale du 30 février 2020 et demande à pouvoir consulter mon dossier.

 

Meilleurs messages,

 

Prénom NOM
Signature manuscrite

Si tu t’opposes à une ordonnance pénale du Ministère public, tu seras probablement convoquéex pour une audience afin d’exposer les motifs de ton opposition. Nous te conseillons de contacter l’antirep pour préparer ton audition.

Si tu t’opposes à une ordonnance pénale du Service des contraventions, tu recevras un courrier t’impartissant un délai pour motiver ton opposition par écrit. Il vaut mieux ne pas y répondre. Par la suite, le dossier sera renvoyé au Tribunal de police pour jugement. Nous te conseillons de contacter l’antirep pour préparer le procès.

Dès qu’une ordonnance pénale est rendue, tu peux consulter le dossier sur demande préalable au siège de l’autorité compétente (Services des contraventions, Ministère public, Tribunal) ou demander qu’une copie te soit envoyée. Attention la copie peut t’être facturée. Si tu souhaites le conseil d’unex avocaxte ou du groupe antirep, il est conseillé d’avoir une copie des pièces. Dans certains cas, les demandes de consultation ou d’envoi du dossier sont refusées avant l’audition. Tu peux alors réitérer ta demande lors de l’audition auprès du Ministère public ou le Service des contraventions.

Il arrive que le Ministère public ou le Service des contraventions modifient l’ordonnance pénale et te l’envoie modifiée. Dans ce cas, tu dois faire à nouveau opposition, à défaut l’ordonnance pénale modifiée entre en force.

7. L’assistance juridique

7.1 Qu’est-ce que l’assistance juridique/judiciaire

Une procédure pénale peut coûter cher, tant s’agissant des frais de procédure que des honoraires d’avocaxte. Pour cette raison, lorsque certaines conditions sont remplies, il existe un droit à l’assistance juridique.

La personne qui est mise au bénéfice de l’assistance juridique sera exonérée du paiement des avances de frais (ex. frais de copie du dossier) et aura droit à l’avance des frais d’avocaxte par l’État.

7.2 Quelles conditions

L’assistance juridique est octroyée à la personne qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour prendre en charge ses frais de défense. Selon la pratique genevoise, il s’agit d’une personne qui n’a pas de fortune et dont les revenus, une fois ses charges payées, ne permettent pas d’atteindre le minimum vital déterminé par l’Office des poursuites (3 000 CHF).

D’autre part, il faut encore que les faits reprochés soient « d’une certaine gravité », soit généralement, que la peine menace soit d’au moins 120 jours-amendes ou quatre mois de peine privative de liberté. Pour les personnes mineures, les conditions sont moins strictes.

Il est inutile de demander l’assistance juridique pour les affaires relatives à des contraventions ou lorsque la peine est de très faible gravité. En revanche, pour les procédures complexes, il est souvent utile de demander l’assistance juridique afin d’éviter le paiement des copies du dossier et assurer le paiement des frais d’avocaxtes. Cela devrait être fait au début de la procédure.

Attention, dans le canton de Vaud on parle d’assistance judiciaire et elle n’est pas gratuite. La personne qui est mise au bénéfice devra ensuite rembourser les frais par des acomptes. L’État ne fait qu’avancer l’argent et proposer un plan de paiement.

7.3 Comment l’obtenir

Pour obtenir l’assistance juridique, il faut adresser au Ministère public un formulaire (qui peut être téléchargé sur le site du pouvoir judiciaire) accompagné des pièces permettant d’établir ta situation financière.

Attention, remplir le formulaire implique de donner plusieurs informations personnelles au Ministère public. Avant de communiquer ces informations, demande à ton avocaxte ou à l’antirep.

8. Comment se passe une procédure pénale ?

La procédure se déroule normalement en trois phases : l’enquête de police, l’instruction par le Ministère public et se termine, dans certains cas, par un procès.

Lorsque la personne poursuivie est mineure, la procédure est soumise à des règles particulières (chapitre 8.4).

8.1 Investigations policières (art. 219, 282, 306-307 CPP)

Lorsqu’elle est saisie d’une plainte, d’une dénonciation ou obtient par d’autres sources des informations sur la potentielle commission d’une infraction, la police procède à une investigation. Cette première phase de récolte d’informations se déroule de manière informelle. La police recherche des informations, peut procéder à des auditions, des observations, etc.

Lorsqu’elle considère disposer de suffisamment de renseignements, elle établit un rapport de renseignements à l’attention du Ministère public, afin qu’il ouvre une instruction.

8.2 Instruction par le Ministère public (art. 308-315 CPP)

Une fois obtenu le rapport de police ou saisi d’une plainte pénale, le Ministère public ouvre l’instruction et procède aux actes d’instructions complémentaires. Il peut ordonner des auditions — en y procédant directement ou en les déléguant à la police —, des expertises sur des traces génétiques ou des empreintes, des examens de rétroactifs téléphoniques (pour une durée de six mois), des écoutes, etc.

Une fois que le Ministère public considère disposer des preuves nécessaires, il procède à la clôture de l’instruction, et peut prendre trois décisions.

  1. S’il ne dispose pas de soupçons suffisants, il procède au classement de la procédure ouverte à ton encontre (art. 319-321 CPP). Dans une telle hypothèse, tu peux demander l’indemnisation des frais causés par la procédure, soit par exemple le tort moral (200 CHF par jour de détention), les honoraires d’avocaxte (jusqu’à 450 CHF par heure de travail) et le salaire (ou indemnités chômage) des jours de travail perdu.
  2. S’il considère que tu es coupable d’une ou plusieurs infractions, mais que la peine n’est pas supérieure à six mois, le Ministère public va te notifier une ordonnance pénale, à laquelle tu peux faire opposition dans les 10 jours. Les amendes du Service des contraventions sont également des ordonnances pénales.
  3. Si les faits sont plus graves, le Ministère public va rédiger un acte d’accusation qu’il enverra au Tribunal pénal. L’acte d’accusation précise les faits reprochés, les infractions retenues et parfois la peine proposée par le Ministère public (art. 324-327 CPP). Les ordonnances pénales frappées d’opposition sont également envoyées au Tribunal et valent acte d’accusation.

8.3 Procès

Une fois saisi d’un acte d’accusation ou d’une ordonnance pénale frappée d’opposition, le Tribunal convoque un procès. Si tu n’es pas détenuex, le procès peut se tenir plusieurs mois, voire plusieurs années après les faits.

Les procès sont publics, sauf décision contraire du Tribunal. Pour préparer ton procès, nous te conseillons d’en discuter avec l’antirep et, idéalement, de faire appel à unex avocaxte de confiance. De plus, tu peux te coordonner avec les autres membres de ton mouvement pour qu’iels viennent te soutenir et puissent éventuellement mettre au point une stratégie de communication entourant ton procès.

8.4 Procédure contre unex mineurex

Si la procédure vise un acte commis alors que tu avais entre 10 et 18 ans, les règles spéciales applicables aux personnes mineures s’appliquent9. L’instruction et le jugement des faits seront confiés au Tribunal des mineurexs, qui siège généralement avec un juge unique. Ce sera donc lae même juge qui procédera à des auditions pour clarifier les faits, puis prononcera sa décision (classement ou condamnation).

Les procès visant des personnes mineures ne sont pas publics.

9. Quelques infractions souvent reprochées

9.1 Émeute (art. 260 CP)

L’art. 260 al. 1 du Code pénal (CP) prévoit que « celui qui aura pris part à un attroupement formé en public et au cours duquel des violences ont été commises collectivement contre des personnes ou des propriétés sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire ». Le deuxième alinéa précise que « il n’encourra aucune peine s’il s’est retiré sur sommation de l’autorité sans avoir commis de violences ni provoqué à en commettre ».

Cette infraction est régulièrement reprochée à des personnes participant à des manifestations dans le cadre desquelles des violences ou des dommages sont commis et pour lesquelles les auteurixes ne peuvent pas être identifiéexs.

Attention, au sens de l’autorité, la violence est une notion très large et qui ne correspond souvent pas à celle que l’on peut s’en faire (par exemple : pose d’autocollants, usage de spray nettoyable, etc.)

Des personnes ont souvent été condamnées après avoir admis leur participation à une manifestation lors de leur audition par la police, tout en contestant avoir commis un quelconque acte violent. En effet, une telle déclaration peut être considérée comme un aveu d’avoir commis l’infraction.

9.2 Dommage à la propriété (art. 144 CP)

L’art. 144 CPP réprime le fait d’endommager, détruire ou mettre hors d’usage une chose appartenant à autrui.

La peine est de trois ans de peine privative de liberté au plus ou d’une peine pécuniaire. Lorsque le dommage causé est « considérable », soit plus que 10 000 CHF, la peine maximum est alors de cinq ans.

Une procédure pénale ne peut être ouverte que sur plainte de la personne lésée. Le retrait de plainte implique donc le classement de la procédure. La poursuite a toutefois lieu d’office si le dommage est causé à l’occasion d’un attroupement formé en public, par exemple pour une manifestation, ou lorsque le dommage causé est considérable (au-delà de 10 000 CHF).

9.3 Violation de domicile (art. 186 CP)

L’art. 186 CP réprime le fait de pénétrer de manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit « dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier » ou encore d’y demeurer au mépris de l’injonction de sortir.

La violation de domicile est punie d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Il s’agit d’une infraction toujours poursuivie sur plainte. Le retrait de plainte implique le classement de la procédure.

9.4 Violation des règles de la circulation (art. 90 LCR)

Cette infraction est issue de la Loi sur la circulation routière (LCR). Elle intervient quand une action a eu des conséquences sur le trafic (par exemple en cas de blocage de voies de circulation). La version simple de l’infraction est punie d’une amende et la version aggravée constitue en revanche un délit. La distinction entre les deux s’opère en fonction du risque qui a été créé par l’action en cause. Attention, il n’est pas nécessaire que le risque se réalise pour qu’une sanction pénale soit prononcée.

Ce sont toutes deux des infractions poursuivies d’office.

9.5 Empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 285 et 286 CP)

L’art. 286 CP prévoit que « celui qui, en usant de violence ou de menace, aura empêché une autorité, un membre d’une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, les aura contraints à faire un tel acte ou se sera livré à des voies de fait sur eux pendant qu’ils y procédaient, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. ». L’art. 285 CP réprime la même infraction, mais lorsque des menaces ou des violences ont été commises.

Cette infraction peut entrer en ligne de compte lorsque la police doit intervenir pour évacuer ou mettre fin à une action de blocage par exemple. Le fait que les militanxtes opposent une résistance non violente à leur évacuation peut être considéré comme un comportement d’empêchement.

À Genève, le fait de s’interposer à un contrôle d’identité effectué par la police est souvent réprimé par l’art. 11f de la loi genevoise d’application de Code pénal (LPG/GE), acte passible d’une contravention.

9.6 Contrainte (art. 181 CP)

L’infraction de contrainte prévue par l’art. 181 CP prévoit que « celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. »

Cette infraction exige donc l’usage d’un moyen de contrainte illicite, à savoir la violence, une menace de dommage ou un comportement entravant la liberté d’action qui induit une personne à adopter un certain comportement.

Par violence, il faut comprendre un acte physique commis à l’encontre de la victime qui peut prendre des formes variées telles que l’exposition à un bruit insupportable, des odeurs ou de la lumière. Son champ d’application est donc très large et les autorités peuvent en faire une interprétation plus ou moins extensive. L’important pour déterminer si l’on est face à un tel cas, est de savoir si le comportement a eu comme effet d’entraver la victime dans sa liberté d’action. Cela a notamment été admis dans des cas d’obstruction du trafic, d’action de blocage d’une voie ferrée ou de blocage de l’entrée d’une exposition.

En présence d’actes de nature politique, les autorités doivent en principe tenir compte des droits fondamentaux des personnes qui agissent, lae juge bénéficie néanmoins d’un large pouvoir d’appréciation.

Il s’agit d’une infraction poursuivie d’office.

9.7 Infractions à la Loi sur les manifestations (Genève)

La Loi genevoise sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu10) prévoit plusieurs infractions pénales pouvant être commises dans le cadre de manifestations politiques à Genève et pouvant conduire à des amendes jusqu’à 100 000 CHF.

Dans la pratique, les amendes sont généralement de 500 CHF à 1000 CHF.

Les comportements reprochés sont les suivants :

  • organisation d’une manifestation sans autorisation (art. 3 et 10 LMDPu) ;
  • non-respect des conditions d’une autorisation (art. 5 et 10 LMDPu) ;
  • participation à une manifestation en portant (art. 6 al. 1 et 10 LMDPu) :
    • une tenue destinée à empêcher l’identification, un équipement de protection ou un masque à gaz ;
    • une arme, objet dangereux ou contondant ;
    • toute matière ou objet propre à causer un dommage à la propriété ou à la dégrader.

La participation à une manifestation non autorisée a également été amendée par le passé. Cette pratique a été jugée illégale par le Tribunal dans le cadre de la procédure pénale pour la manifestation anti-Erdogan et toutes les personnes accusées ont été acquittées11. Depuis, la participation à une manifestation non autorisée n’est plus punissable.

Récemment, suite aux acquittements systématiques, la police genevoise a modifié sa pratique et a adressé des amendes à des manifestanxtes pour « refus d’obtempérer immédiatement aux sommations de la police » (art. 6 al. 4 LMDPu). Il est douteux qu’un tel comportement soit punissable. La question est actuellement contestée dans le cadre de plusieurs procédures pendantes.

À la date de publication de ce texte, la grande majorité des personnes accusées d’infractions à la LMDPu et assistées par l’antirep et/ou ayant choisi une défense militante ont été acquittées ou ont vu leurs peines réduites.

10. Victime de violences policières, que faire ?

Si tu as été victime de violences policières, notamment lors de ton arrestation (cf. chapitre 3), nous te conseillons d’entreprendre les démarches suivantes :

  • va immédiatement voir un médecin, si possible une personne de confiance, pour établir un certificat médical mentionnant ton récit et d’éventuelles traces de lésion ;
  • prends note du déroulement des faits, avec le plus de précisions possible, idéalement en adressant un mail à l’antirep (il est préférable de ne pas mentionner les détails dans les échanges par mail mais plutôt lors d’un entretien) ;
  • prends des photos des lésions, sur l’ensemble de ton corps et note le moment et la date où tu prends la photo à chaque fois. Continue à les prendre en photo dans les jours qui suivent. Les couleurs des hématomes permettent de dater le moment de la lésion ;
  • identifie d’éventuels témoins des faits et rassemble leurs coordonnées, afin qu’iels puissent être entenduexs dans une éventuelle procédure ;
  • si tu as été traumatiséex par les faits, n’hésite pas à consulter unex thérapeute, si possible une personne de confiance. Des attestations des professionnellexs de la santé psychique sont souvent utiles dans le cadre d’une procédure pénale pour violences policières ;
  • si tu souhaites déposer plainte, avertis l’antirep ou rends-toi chez unex avocaxte, qui pourra examiner les preuves et t’assister dans une éventuelle procédure.

Nous te conseillons de déposer plainte par écrit, en adressant les preuves et une exposition détaillée des faits à lae Procureurex généralex.

Si tu décides de déposer plainte contre les agents, la procédure pour ces faits sera disjointe de la procédure pénale éventuellement ouverte contre toi et les faits seront instruits séparément.

À Genève, les plaintes pour violences policières sont confiées à une Brigade spéciale de la police (Inspection générale des services — IGS), qui procède aux premières auditions et rédige un rapport. La suite de la procédure est confiée à lae Procureurex généralex.


  1. Seulement lorsque tu dois t’attendre à la notification d’une décision, notamment lorsqu’une procédure à ton encontre est ouverte, il est important de donner une adresse valable pour être sûrex de la recevoir et pouvoir y faire opposition le cas échéant. 

  2. Cette mention fait référence au texte no 40. 

  3. Voir également la Loi sur les profils d’ADN. 

  4. Reconnaître ta simple participation à une manifestation, en précisant que tu n’as commis aucun acte de violence ou aucun dommage, pourrait suffire pour justifier une condamnation pour émeute (art. 260 CP). 

  5. Dans le Canton de Vaud, il s’agit du Tribunal des mesures de contrainte et d’application des peines. La même abréviation (TMC) sera utilisée dans ce texte. 

  6. Voir également la loi fédérale du 18 mars 2016 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT). 

  7. Voir la liste figurant aux art. 269 al. 2 et art. 273 CPP. 

  8. Voir la liste figurant à l’art. 286 al. 2 let. a CPP, soit notamment les dommages à la propriété pour dommage considérable — plus de 10 000 CHF (art. 144 al. 3 CPP) ou l’incendie intentionnel (art. 221 CP). 

  9. Voir la Loi sur le droit pénal des mineurexs. 

  10. Loi genevoise sur les manifestations sur le domaine public. 

  11. À ce sujet, voir https://renverse.co/infos-locales/Geneve-Acquittement-general-pour-les-six-accuses-de-la-manif-anti-Erdogan-1183

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