nous sommes partout

nous sommes partout

Le compost généralisé

…nous sommes partout, même dans le vide
…patience, patience… ça charge

Le monde est un vaste compost.

L’essentiel de notre passé est sous nos pieds, bien composté, à part les dinosaures qui ont eu la mauvaise idée de se transformer en pétrole, mais bon, c’est pas de leur faute. Notre présent est prêt à se faire composter la gueule. Et nous aussi, nous sommes du compost, puisque tout organisme devient vivant en émergeant du compost. Notre futur, déjà on verra bien s’il se pointe ou pas. Pour l’instant, c’est un futur quantique, il est à la fois là, à la fois pas là, ça dépend un peu de ce qu’on foutra de nos vies. Mais ce qui est sûr, c’est que nous deviendrons touxtes l’engrais de nouveaux mondes et de futurs organismes vivants.

Bref, on marche sur du compost, on est du compost, on mange du compost, on chie du compost. C’est à peu près ce que nous dit le bout de compost qu’est Donna Haraway, même si elle le dit avec un peu plus d’élégance et de complexité.

Il y a un temps pour la réflexion et un temps pour le zbeul°.

Aujourd’hui, c’est le mood zbeul partout.

Alors zbeul partout, compost partout1.

Les Gilets jaunes ont déjà exploré le mood zbeul-compost : du purin devant la préfecture de Manosque, du purin et de la poubelle devant les impôts de Challans et de Limoges, du fumier devant le Centre des Finances Publiques de Lesparre, du fumier sur un rond-point de Mirecourt, du fumier à Douai, du fumier en Haute-Vienne, des fruits pourris à Thuir. Iels ont commencé une vaste entreprise de compostage du capitalisme.

Quand nous aurons tout composté, nos territoires seront des champs fertiles, nous entrerons dans l’ère du compost, de l’humus, de la fertilité et nous accueillerons les futurs enfants du compost : une nouvelle humanité plus bio. Ça devrait parler aux bobos citadinexs. On peut leur créer des slogans : be more bio, be more compost. On peut leur créer des médailles, des labels. Tant qu’iels se décident à sortir un peu dans les rues, ça nous va.

Une solution, révolution

Alors voici un mode d’emploi pour entamer ou continuer l’entreprise de compostage massif qui marquera un pas supplémentaire sur le chemin d’une révolution écolo et féministe2.


TRIGGER WARNING

Aux flics, aux responsables politiques, aux multinationales et aux banques de notre chère Suisse : ne vous méprenez pas, c’est pas des conneries, on est en train d’accumuler quantité de caca fertilisant et de compost, et tout ça nous servira à vous recouvrir. Littéralement. C’est une action massive que nous préparons avec soin et qui aura lieu l’année qui vient, ou la suivante, selon le temps de fermentation. N’oubliez pas que vous êtes des organismes vivants, et que ça vous rend hautement compostables.


Alors fermièrexs, paysannexs, bobos des villes, bobos des campagnes, familles nombreuses, colocs étudiantes, squats, maisons de quartier, soyez touxtes prêxtes à produire du compost en masse lorsqu’on vous donnera le signal. Aux quartiers, hameaux, villages, créez des composts collectifs. Ils vous permettront de créer du lien social, d’utiliser du fertilisant pour vos plantations communautaires, mais aussi d’amasser, d’amasser et d’amasser, pour la journée internationale du compost qui s’annonce belle et féconde.

Jour après jour, en cuisinant, remplissons ces grands bacs où finissent les morceaux de légumes et les épluchures de fruits. Regardons ces gros tas de végétaux pourrir et continuer à vivre, fermenter et former des terreaux fertiles. Accumulons patiemment quantité de compost, humons-le et scrutons-le avec joie. Des graines soigneusement choisies y pousseront : les graines de la rage et de la colère.

Le compost dégueu qui fermente trop

  • Choisissez un emplacement lumineux, en contact direct avec les rayons du soleil.
  • Pour faire du compost en masse, privilégiez les grands espaces (en plein air ou dans un lieu clos suffisamment vaste, comme un Parlement).
  • Étanchéisez le lieu de stockage en plaçant dessous des bâches en plastique. Cela vous permettra de récolter un maximum de sucs.
  • Si vous souhaitez que votre compost dégage une odeur de soufre, arrosez-le tous les jours.
  • Si vous préférez les odeurs d’ammoniac, privilégiez les matières vertes.
  • Afin d’éviter que votre compost ne perde en puissance, évitez d’y jeter des coquilles d’œufs (évitez tout simplement de manger des œufs, vous épargnerez quelques poules qui n’ont rien demandé3), ainsi que les matières brunes comme les feuilles mortes ou le café. Ces matières atténuent les odeurs fétides.

Le purin d’orties

Le purin d’orties, sacré activateur de compost, est particulièrement infect. Et, bonne nouvelle, les orties, c’est facile à trouver. Partout, cette plante désobéissante et insupportable pour les fanatiques proprets d’urbanisme néolibéral, pousse sauvagement, sans rien demander, se défendant grâce à ses propriétés urticantes.

  • Mettez les orties dans un bac qui ne soit pas en métal.
  • Ajoutez-y de l’eau : 10 litres d’eau pour 1 kg d’orties.
  • Laissez macérer 1 à 2 semaines en remuant le mélange tous les 2, 3 jours.

Le jus de poubelle de la colère

Y’a des endroits où les poubelles pullulent encore plus que les orties. Et ça tombe bien, elles sont aussi faciles à trouver que leurs cousines urticantes. Les ingrédients de base pour un bon jus de poubelle, c’est ce poivron âcre d’Espagne, celui que les grandes surfaces emballent par trois et finissent la plupart du temps par jeter puisqu’un des légumes a pourri dans le plastique, c’est le pauvre citron qui n’a pas supporté d’être baladé pendant des semaines et a été tej’ avec les huit autres membres du filet, les quatre raisins tout mous de la grappe qu’on a balancée aux ordures parce qu’elle n’était plus conforme aux canons de beauté supermercantiles, les peaux de bananes trop brunes et tous les autres fruits et légumes qu’on offre aux poubelles.

  • Ouvrez les poubelles des supermarchés et réjouissez-vous de leur puanteur nauséabonde. Le compost va d’autant plus parfumer sa cible.
  • Récupérez les fruits et les légumes encore bons, s’il y a une chose que les poubelles de supermarché peuvent faire, c’est nourrir celleux qui en ont besoin4.
  • Gardez tous les éléments à composter, entiers ou en morceaux. Zéro déchet !
  • Suivez la recette du compost dégueu qui fermente trop — arrosez suffisamment, car un compost peu arrosé garantit un humus boisé, et c’est clairement pas ce qu’on cherche.
  • Récoltez le suc de la colère ainsi obtenu et déversez-le dans le lieu stratégique qui aura été défini collectivement. Ou mieux, selon vos envies, vaporisez-le sur les individus qui auront été choisis, ou devrait-on dire « élus », à cet effet.

Le compost n’a pas de but en soi ; nous décidons collectivement de ce que nous en faisons. C’est un outil formidable qui a la capacité de faire grandir nos projets. Et puis, d’un autre côté, sa raison d’être c’est aussi celle des casseureuxses5 : réduire en morceaux ce dont on veut se débarrasser. Le compost est une force qui destitue l’ordre en place pour instaurer une nouvelle forme de vie.

Aux agriculteurixes qui en ont ras le cul d’une politique qui favorise l’agriculture intensive, la monoculture, et autres naturocides, venez avec vos tractopelles, vos camions, vos charrues pour les moyenâgeuxses du futur, rassemblez-vous pour une parade bien crado.

Aux squats, aux constructeurixes qui ont la flamme de la créativité, forgeons des LCD, des lanceurs de compost Défensifs, des catapultes pour propulser nos balles à compost bien dégueux.

C’est l’occasion de renouveler nos imaginaires insurrectionnels.

Brûlez, certes, mais aussi compostez.


  1. Dans Piraterie ordinaire [no 38], on découvrira quelques autres usages créatifs du compost. 

  2. Cette colère immense, collective, transgénérationnelle, internationale [no 30] annonce cette révolution. 

  3. Pour un renversement de perspective, voir Solidarité antispéciste [no 35]. 

  4. Le Grand Midi [no 47] partage des conseils pratiques sur l’organisation d’une cantine autogérée. 

  5. Lire leur perspective dans Survivre dans un black bloc [no 15]. 

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