nous sommes partout

nous sommes partout

Si ce n’est maintenant, alors quand est-ce qu’on se libérera ?

…nous sommes partout, même dans le vide
…patience, patience… ça charge

Nous, le collectif afroféministe Amani de Nyon, nous nous inscrivons dans la lutte contre le racisme et le sexisme que subissent les personnes noires et afrodescendantes qui se reconnaissent dans le genre féminin en Suisse. Suivant une approche intersectionnelle°, nous luttons pour assurer l’élimination des discriminations de race, de genre, de classe, de sexualité, de religion et contre l’oppression capitaliste.

On est une grande famille, on peut tout se dire, non?

On le savait déjà, les voix des femmes*° noires, quand elles affrontent le statu quo dans les arènes publiques, sont sources de confusions, elles engendrent des débats moraux sur la véracité, la justesse ou la respectabilité de nos propos. Dans un monde où les questions féministes gagnent de plus en plus de terrain dans notre champ de crédibilité politique, nous, femmes* afrodescendanxtes, vivons à la marge et dans l’ombre d’un féminisme blanc, dominant, qui se veut universel, tout en se positionnant comme étant le seul gardien de la justice sociale. Pourtant, ces grands récits héroïques ne sont jamais neutres, car leur vérité particulière, élevée au statut mythique, invisibilise les visages et assourdit les voix de touxtes les autres femmes* non blanchexs. Comme l’a dit Bell Hooks, « Toutes les femmes* sont blanches, tous les hommes sont noirs, mais nous sommes quelques-unes à être courageuses. »

Nous, personnes afrodescendantes, migrantes, mères, travailleuses, étudiantes, portons le poids de notre passé dans un présent qui nous nie la possibilité d’exister entièrement. Être une femme* noirex et afrodescendanxte, c’est tous les jours, encore, tenter d’être dans la discrétion absolue, de se dissoudre dans une norme impossible à atteindre, de ne jamais se voir représentéexs autrement que dans des rôles stéréotypés, et ne surtout jamais, jamais, se mettre en colère.

Vous vous demandez souvent : « mais où sont les femmes* noirexs dans les luttes féministes ? ». Nous répondons : « Elles s’occupent de vos enfants, de vos aînéexs, de votre ménage ». Comme ce fameux 14 juin dernier, où des employéexs raciséexs° nous ont fait signe par la fenêtre d’un hôtel, dans lequel visiblement, elles étaient en train de travailler. Elles savent que prendre la parole, c’est dangereusement s’exposer à des représailles. Le coût de la liberté peut valoir la mort sociale. C’est pourquoi, dorénavant, nous exigeons un futur dans lequel nous pourrons exister et qui ne se fera pas sans une éducation décoloniale, libératrice, sans l’instauration d’une justice réparatrice° et émancipatrice. Nous parlons d’une éducation décoloniale. Oui. La Suisse, se cachant derrière les pays ayant été ouvertement esclavagistes, a un passé tout aussi colonial et devrait faire face à cette histoire. À l’heure du réchauffement climatique et des soulèvements populaires en faveur de l’environnement, la Suisse a tout intérêt à remettre en question sa politique capitaliste d’enrichissement aux dépens des pays du Sud. Les activistes écologistes de ces pays ont été les premièrexs à alerter sur les modifications de leurs environnements causées par les multinationales occidentales. Iels n’ont pas été écoutéexs et sont encore effacéexs, aujourd’hui, des grandes photos de famille des militanxtes écologistes (comme nous l’avons vu récemment dans le cas de Vanessa Nakate, activiste noire ougandaise).

Être afroféministe, c’est assumer ce défi révolutionnaire, assurer un futur libre pour touxtes, une justice réparatrice et émancipatrice pour les personnes trans, intersexes, non binaires°, en situation de handicap ou homosexuelles. Si nous ne sommes pas touxtes libéréexs, alors personne ne le sera. Nous les voyons et nous voyons aussi les changements radicaux que la société doit réaliser, afin que la vie de ces personnes puisse compter à part entière. Nous croyons en notre potentiel et en notre rage d’exister. Nous la portons, pour que dans un futur proche, nous puissions assurer un avenir radicalement inclusif. Nous sommes pleinexs d’espoir, ce soir, au côté de nos sœurs de lutte, dans ce virage intersectionnel que prend le féminisme en Suisse. Nous luttons ensemble, car nous savons que nous sommes touxtes capables de solidarité.

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