nous sommes partout

nous sommes partout

Spectacle nulle part. Care partout.

…nous sommes partout, même dans le vide
…patience, patience… ça charge

NB : Cet entretien a eu lieu près d’un mois avant la diffusion des images du meurtre de George Floyd et de leurs répercussions politiques mondiales et près de sept mois avant le projet de loi « Sécurité Globale » en France qui cherche à rendre illégale la diffusion d’images d’un policier identifiable.

Est-ce que « tous les flics sont des connards » ?

— Ouais. Qui a juste envie de dire oui ?

— Oui.

— Oui.

— Oui.

— Oui.

— Oui. (Rires.)

— La réponse typique des gens au slogan ACAB°, c’est : « Moi je connais un flic qui… blabla ». La question soulève la différence entre critique individuelle et critique institutionnelle ou systémique°, une différence qui n’est pas toujours évidente, je trouve.

— Perso, hors milieu militant, je réponds souvent à cette question en mettant l’accent sur le fait qu’il s’agit d’une critique institutionnelle et systémique, parce que c’est le cas déjà et que c’est plus simple de convaincre comme ça, mais allons au bout de la question. Parce que oui, l’institution organise la violence avec son corps policier, mais en même temps, on a les individus flics ultra racistes, d’extrême droite, qui vont s’encourager les uns les autres à être des connards et à se comporter de manière violente. On est d’accord, c’est quelque chose qu’ils ont hérité de l’institution et du système dans lequel ils évoluent, mais c’est aussi quelque chose qui dépend de leur « libre arbitre ». Toutes ces violences, ils les font quand même, dans une certaine mesure, en toute conscience. C’est juste que la conscience aussi, elle est construite par l’institution, parce que l’institution te traverse, te fait exister.

— Tu vois, chaque année il y a deux ou trois keufs qui quittent la police suisse en prenant parfois la parole sur ce qu’ils ont vécu. Le dernier que j’ai vu, c’était un mec qui a quitté la police parce qu’il en pouvait plus et un truc qu’il racontait, c’est un jeu entre collègues : faire des tours en voiture et balancer des insultes racistes par la fenêtre aux personnes racisées1. C’était à Genève. Il y a un piège à ne vouloir critiquer que l’institution policière. Quand tu formules une critique institutionnelle, t’as un discours qui empêche parfois de faire comprendre aux gens qu’il s’agit de vécus humains et d’individus, autant en ce qui concerne les policiers que les personnes qui subissent les violences policières. Quand tu racontes des trucs bien précis comme ce « jeu », le vécu quotidien du profilage racial, les fouilles à nu humiliantes après des manifestations pacifiques, là tu fais comprendre aux gens le sens de « tous les flics sont des connards ». Parce que dans la pratique, c’est pas le système dans sa globalité que tu regardes dans les yeux quand tu te fais contrôler dans la rue, c’est un flic. À quel point existe-t-on en dehors des cadres sociaux qui nous font exister ? Être dans la police, se comporter en policier parce que l’institution est faite comme ça, c’est se comporter en connard, donc tous les flics sont des connards en tant qu’ils sont des flics et qu’ils ont décidé de performer ce rôle social.

— D’un autre côté, on peut dire ACAB si on considère le rôle de flic, mais maintenant, je pense qu’il y a aussi la personne et…

— Attention, la séparation de l’homme et de l’artiste ! (Rires.)

— Non mais je pense qu’il y a aussi des composantes sociologiques. Une fois qu’on est dans un cercle social, c’est difficile d’en sortir. C’est chaud de décrire une personne par son métier de policier, en fait c’est chaud de le faire avec tous les métiers…

— Je vois, mais on n’en a rien à foutre au fond, on peut pas commencer à penser au bien-être de personnes qui perpétuent un système raciste et qui passent leur vie à défendre les intérêts d’un état profondément inégalitaire. Ce discours a des limites, c’est comme si on avait ce discours avec des patronnexs d’entreprise qui licencient en masse et qui détruisent la planète, on s’en fout, on n’a pas le temps de s’occuper de ces gens, d’avoir de l’empathie pour elleux, on a des priorités politiques. Ces personnes se battent pour sauvegarder leurs privilèges, elles sont violentes. On vit des situations de petites guerres avec la police, des manifestations ultra violentes, on voit en face de nous une ligne de front2. On comprend qu’on est contrainxtes d’utiliser la violence pour se faire entendre et pour changer quelque chose, et c’est pas cool du tout, c’est triste. La violence, c’est une nécessité, c’est pas une source de joie et on se rend bien compte que s’il n’y avait pas des personnes détères à lancer quelques pavés, à repousser les CRS ou à tenir des barricades, on ne pourrait rien faire. C’est un aveu d’échec constant de l’humanité. Et c’est pareil avec la violence verbale, avec la haine. Quand elle ne te bouffe pas de l’intérieur, elle aide à garder la force et à construire un réel contrepouvoir. Parce que face à une ligne de CRS armés de la tête aux pieds3, il faut avoir le cran et il faut montrer notre puissance, sinon c’est perdu d’avance, tu te fais embarquer en deux secondes. La violence verbale du ACAB, c’est pareil, ça fait partie du même « contrepouvoir » qu’on tente de créer.

— Il y a souvent cet argument selon lequel les flics font face à des situations difficiles.

— Ouais, c’est l’interdiscours public, mais je pense que ça va plus loin. La plupart du temps, puisque t’es un mâle, que t’es fort et que t’as conscience de « ton devoir » et qu’on sait que l’être humain est « une sale merde », ben on accepte et on héroïse les personnes qui sont capables de mettre de côté leurs émotions pour faire leur devoir et emprisonner les « sales merdes ». C’est justement ça, j’ai l’impression, qui est considéré comme héroïque, c’est le fait qu’ils ont des émotions et qu’ils tuent et punissent quand même les « méchanxtes ». C’est ce qui est considéré comme « difficile ».

— Une petite histoire pour parler des « émotions » de la police. Une fois je me baladais ici, à Genève, et vers le Grütli il y avait une baston, deux gars qui se foutaient sur la gueule grave, grave, grave. Du sang, ils étaient physiquement épuisés. C’était deux personnes racisées, toujours important de préciser ce genre de choses pour les histoires qui concernent les flics… tous les gens au Grütli étaient passifvexs bien sûr, mais le gérant d’un bar avait appelé la police. Avec un ami on essayait de calmer le jeu puis la police est arrivée. Un des deux mecs était parti. Et les flics étaient en mode ultra saoulés, « encore une baston entre un Noir et un Arabe quoi », ils ont ignoré le gars qui était encore là et qui était dans une situation ultra précaire : mal physiquement, sans endroit où dormir, on lui avait volé son téléphone, etc. Et il y avait un manque hallucinant d’émotions envers cette personne. Il y a un manque d’empathie incroyable envers des personnes qui vivent d’autres réalités.

— Oui, c’est une question d’empathie. L’empathie n’est pas nourrie dans une institution policière ou alors elle est extrêmement canalisée et « triée ». L’empathie est une construction sociale, elle se soustrait pas aux problèmes liés au racisme, à la transphobie, à toutes les oppressions sociétales, c’est ce qui fait que certaines personnes sont complètement déshumanisées.

— On va pas considérer une personne noire comme une personne blanche. En Suisse, quand on amène des sans-papièrexs dans les avions pour les renvois sous contrainte, il y a un ligotage intégral, avec menottes, casque sur la tête, pieds attachés, des flics partout. Hamid Bakiri et Samson Chukwu sont morts dans le cadre de ces renvois. Il ne faut pas oublier leurs noms.

— Si on voyait une personne suisse dans un pays étranger entrer dans un avion dans ces conditions, ce serait le scandale de la dictature. On imagine touxtes ce que ça donnerait dans la presse. L’empathie et les émotions sont configurées par un système policier de contrôle qui a pour but de maintenir le pouvoir en place et ses inégalités. C’est pas pour rien que dans la police on vote beaucoup plus à l’extrême droite. Alors savoir si les flics sont racistes et violents à la base ou s’ils le deviennent, c’est une question intéressante à laquelle il y a sans doute des sociologues qui consacrent du temps, mais ça ne change pas le fait qu’ils sont racistes. Donc dire des trucs genre « j’ai un ami qui est flic et qui a un ami noir » et je ne sais quel autre argument pourri, c’est pas possible. (Rires.)

— C’est marrant les discussions qu’on se tape avec les flics dans un lieu occupé quelque part en Suisse. Ils se sont accaparés le rôle de sauveurs, de personnes bien qui doivent se tenir à une charte faite de règles, donc à des lois qui évitent le chaos. Pour eux, c’est hyper construit. Dans leurs têtes, ils ne se posent pas de questions. Ils ne viennent jamais dans cette occupation en se demandant si ce qu’on fait c’est bien. Non, ils viennent en nous disant des trucs genre « oui quand on va sur des scènes de violences conjugales, les gens sont bien contents de nous voir ».

— Sans entrer dans la discussion de la prise en charge catastrophique des violences conjugales par la police, toute cette héroïsation nourrit leur envie de continuer.

— déconstruire la nécessité d’une police, nécessite aussi de remettre en question toutes les institutions qui l’entourent. Le système carcéral, par exemple. La société s’en fout du sort des personnes qui vont en prison, on construit la figure de lae prisonnièrex comme « grandex méchanxte » et on laisse tout ça de côté. C’est ultra invisibilisé, on ne sait rien des prisons. Quand tu vois un flic, tu ne vois pas la prison derrière ses épaules, tu ne vois pas toutes les caméras de surveillance qui l’entourent4.

Pas de bienveillance pour la surveillance

— Le prochain truc dont on avait prévu de parler, c’est la répression du copwatching.

— Une des questions, c’est de savoir à quel point tu dois être visible en manif. Certaines cellules militantes de copwatch s’affichent en tant que telles. On a un brassard et on dit aux flics que c’est différent. Le problème c’est que la plupart des personnes qui font ce choix deviennent des cibles privilégiées de la police. Même quand tu t’annonces et que c’est très clair dans la tête des keufs, tu fais d’autant plus peur parce qu’ils savent très bien qu’ils font des bavures et des débordements. Ils ont les boules et ils te prennent pour cible plus que n’importe quellex militanxte.

— Une fois, à Genève, j’étais en train de filmer, le flic m’a directement retiré le téléphone des mains, il m’a insulté et m’a amené de force dans un coin avec tous ses collègues en rond autour de moi en attendant que j’efface toutes les vidéos, alors que c’est tout à fait légal de filmer la police dans l’exercice de ses fonctions. Ça a été clairement perçu comme une provocation, il avait peur de mes images et ça a justifié ce comportement tout à fait illégal de leur part.

— Ça montre que le système a peur qu’on le voie sous un angle qu’il ne maîtrise pas, qu’on voie autre chose que ce qu’il a décidé de montrer. Il y a cette réaction de défense en mode « on doit être maîtres de notre image », sinon, on est en danger. Du coup, on réprime celleux qui vont montrer une autre image.

— Les tribunaux français ont fermé le site Copwatch.fr, le motif invoqué, c’était « diffamation ». Est-ce que c’était le cas pour l’ensemble des images qu’iels diffusaient ? Non, bien sûr, elles n’étaient pas diffamantes, elles étaient juste vraies. Pour qu’il y ait diffamation, il faut qu’il y ait diffusion de FAUSSES informations. Il a fermé à cause d’une ligne dans sa description qui était insultante pour la police. Tu crois vraiment que c’est normal de mobiliser des procédures judiciaires aussi vastes juste parce qu’il y a écrit ACAB sur un site ?

— Voilà le fond de ce que c’est le copwatch, j’aime bien le mot sous-veillance. Les keufs sont dans un espace public, c’est de la surveillance mentale et physique pure et simple. À Lausanne, maintenant ils ont des body cameras (des minicaméras fixées sur l’équipement des policiers) dans le cadre d’un projet pilote qui va sûrement être approuvé. À Zürich, le même projet pilote a eu lieu. Le Conseil cantonal de sécurité vaudois prévoit de foutre ces caméras à tout son corps policier.

— Pendant les actions maintenant, il y en a toujours qui filment continuellement les militanxtes, ça c’est pas un projet pilote par contre, c’est systématique. Bientôt, il y aura des drones en masse, les commandes de drones en France pendant le confinement, c’est atroce. Il y a la surveillance numérique, etc. Et on se rend compte que la contre-surveillance ou la sous-veillance, ça dérange à fond, c’est de la provoc’, tout d’un coup les organes de surveillance ne se sentent plus assez protégés.

— C’est pour ça aussi que tu dois faire attention à ton propre comportement quand tu filmes. Si tu gueules sur les keufs et qu’on le remarque à l’image, ce qui est quand même très probable vu que le téléphone est à trente centimètres de ta bouche, tes images peuvent ne plus être recevables devant un tribunal.

— Jacqueline, c’est son gros problème, elle filme, elle met pause, elle gueule et elle recommence à filmer.

(Rires.)

— Le dernier truc dont on voulait parler, c’est « pourquoi faire du copwatch alors que la presse est souvent présente ? ».

La presse

— Parce que les médias suisses sont une honte ?

— La plupart du temps, quand on copwatche, il y a des médias partout et les images de violence et d’abus de pouvoir qu’on a sur nos natels et qu’ils ont aussi, ils ne les diffusent pas. Peut-être par souci de « neutralité » mdr.

— Un autre truc, c’est que c’est pas pareil de filmer pour un téléjournal ou de filmer pour un procès. Notre but c’est aussi de faire des vidéos claires, de filmer le plus longtemps possible pour avoir plus d’éléments de contexte et d’insérer des éléments écrits s’il le faut, pour expliquer ce qu’il s’est passé. D’ailleurs, quand on monte les vidéos qu’on envoie à la presse, on pourrait noter les articles de lois qui ne sont pas respectés sous les images, même si à tous les coups les journalistes les enlèveraient. Ah mais en fait la dernière fois, iels ont effectivement enlevé les trucs qu’on avait écrits avant de diffuser les images.

— Ouais c’est vrai. Pff… de toute manière iels ne font pas leur boulot, c’est ok on l’a compris. Ça filme un type qui casse une vitrine pour faire le buzz, bravo super, ça m’énerve.

— Je pense que toute information est la construction d’une situation dans l’information, que ce soit le journal Le Monde ou ma chère maman qui partage un truc sur facebook. On est toujours en train de construire des récits pour essayer d’expliquer les choses. La question, c’est de savoir dans quelle perspective on essaie de construire une situation. Là, je pense que tu vas de toute façon être confrontéex aux interprétations, même si tu fais ça dans une perspective révolutionnaire qui est la mienne par exemple. Je filme pour montrer que l’existence de la police est une erreur politique, ben il y a tout un tas de monde qui va me répondre que mon regard est biaisé. Je pense que la seule chose qu’on puisse faire, c’est de donner un maximum d’éléments de contexte et après on produit une information visuelle qui sera de toute façon débattue et discutée, dans les tribunaux comme dans l’espace public quand les personnes décident de la faire sortir dans la presse. Finalement, on ne peut rien faire d’autre que d’essayer d’avoir une éthique qui est quand même journalistique et informative, parce qu’elle est juridique pour donner notre représentation de témoin, la plus fidèle possible, et c’est évident pour tout le monde que toute personne qui filme et qui prend la parole pour dire ce qui s’est passé parle en tant qu’elle-même.

— Et après, une image sur laquelle tu vois une personne à terre se faire matraquer à répétition, c’est une information en soi. Tu peux donner tous les éléments de contexte possibles, ça ne peut rien changer à ces gestes. En plus, souvent, les « éléments de contexte » donnés par la presse sont ceux de la police. Il y a eu plein d’exemples en Suisse. L’effort de contextualisation est très soigné par la police qui fait tout pour construire des portraits de grossexs méchanxtes militanxtes.

— En fait, il y a une guerre de contextualisation, un combat de narration : comment on raconte l’histoire ?

— C’est un combat entre mondes possibles, un combat de narration.

— C’est aussi pour ça qu’on filme en continu et que lors d’une action par exemple on a mal aux bras. (Rires.) C’est pour minimiser un maximum l’absence de contexte qui justifierait quoi que ce soit.

— Dans la diffusion de ces images, il y a tout un tas de questions différentes qui se posent. Il y a un mec sur youtube par exemple, il a une carte de presse et il poste des longues vidéos dans lesquelles il se promène en manif, il a beaucoup couvert les Gilets Jaunes. Il y a souvent des abus de pouvoir et des violences policières dans ses vidéos et il fait ça dans une perspective critique vis-à-vis de la police. Souvent, il y a une caméra subjective et tu te promènes dans les rues de Paris en pleine manif et tout d’un coup il se fait contrôler assez violemment par la police et c’est comme si c’était toi. On ne le croit pas quand il dit qu’il a une carte de presse, on l’empêche de filmer, etc. C’est intéressant comme ressort je trouve. Il prend aussi le temps de s’attarder sur les belles images, sur les couchers de soleil entourés de fumigènes et de gaz lacrymo… En fait, toutes ces questions sont intéressantes aussi : la question de l’esthétisation, la caméra subjective, musique ou pas, etc. Les téléjournaux mainstream sont aussi remplis de musiques épiques et tragiques, c’est assez impressionnant. C’est pas mal de faire l’exercice d’écouter constamment le sound design et la création sonore des téléjournaux de temps en temps.

— Après, nous ce qu’on fait, dans la méthode qu’on a définie, c’est que chacunex gère et fait comme iel veut avec son image. Si toi t’es en train de subir une violence policière et t’as envie de la médiatiser, on dit ok on peut faire un montage, etc. Il s’est trouvé que la presse est devenue un sujet parce que des militanxtes en ont exprimé l’envie, mais notre enjeu principal n’est pas là. On s’en bat les steaks de la presse, l’enjeu c’est d’aider pour les procès, de montrer à la police qu’elle est surveillée, de soutenir les personnes qui sont en train de se faire interpeller et d’être un soutien-témoin. Du coup, la presse dans cette vision, c’est pas vraiment le sujet même si la question se pose une fois que la personne concernée ou le collectif est en possession des images. C’est aussi ça la différence avec un média : on te dit ok, là tu peux prouver ce qui t’est arrivé, as-tu envie ou non de montrer ça à tout le monde ? La presse elle va pas venir te demander, elle va balancer des images parfois hyper humiliantes sur internet sans ton accord et c’est parfois chaud à assumer.

— Aujourd’hui je me disais qu’il y a des lacunes dans le copwatch, en dehors de nos buts qui ne sont pas de faire le buzz et d’envoyer tout à la presse. D’un point de vue journalistique, il y a un moment où le copwatching perd de la puissance ou en tout cas a des lacunes. Quand la violence, c’est pas 50 coups de matraque par exemple. Il y a un moment où toutes ces vidéos et le côté « spectaculaire » qu’elles ont, ben elles viennent minimiser toute la violence moins spectaculaire ou tout simplement cachée. Le profilage racial, les cellules horribles de garde à vue dans lesquelles des personnes noires ou des manifestanxtes se font enfermer pendant des heures pour que dalle, etc. Du coup c’est un outil qui peine à montrer le problème systémique de la violence d’État.

— Il n’a pas de sens tout seul évidemment, mais de le faire en le croisant à de l’antirep et à de l’information juridique, c’est en faire un outil plus efficace. Et après sur la critique systémique de la police, le copwatch ne se suffit pas à lui-même, c’est une pratique militante, c’est pas une théorie. C’est l’accumulation de tous les outils qui amènent la mise en pratique, une critique systémique offensive et révolutionnaire.

— Mais il y a quand même quelque chose qui me dérange parfois, c’est qu’il n’y a que les trucs les plus trash qui font de l’effet, tu vois ? Mais je ne remets pas en question la pratique en soi, je me demande parfois si la surmédiatisation de ces vidéos fait que les gens ne sont plus du tout choqués des violences moins spectaculaires, mais à répétition.

— C’est compliqué d’échapper au spectacle général.

— Notre logique, c’est la défense de personnes activistes et militantes, le vrai sens de tout ça, c’est de faire en sorte que ces personnes puissent continuer leurs luttes, qu’elles abandonnent pas. Ça c’est méga important. Et c’est ce qui permet à une cellule de copwatch d’être à l’intersection des luttes et des causes dans la mesure où l’enjeu est de protéger toutes les luttes. C’est comme faire de la bouffe pendant des actions, c’est du care, et le copwatch peut aussi se construire une forme de care, de soin.

— Spectacle nulle part. Care partout.


  1. They Don’t See Us [no 4] témoigne des violences policières en Suisse. 

  2. Survivre dans un black bloc [no 15] aborde l’usage de la violence face à la police. 

  3. Drones [no 1] raconte un vécu affectif face aux policiers antiémeutes. 

  4. Pour d’autres réflexions sur les prisons et le système judiciaire, lire Abolir la prison, abolir le patriarcat [no 33] ou Swiss-made prison system [no 53]. 

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